mercredi 21 août 2013

178-

Cette pensée troue littéralement mon esprit, comme un acide. Le visage emporté. Ma conscience brûlée au troisième degré. Pensée qui se heurte aux gestes fébriles de Karl. De temps en temps, il dirige sa lampe sur moi. Et m’éclaire des pieds à la tête. Comme pour mesurer la confiance qu’il peut me faire. Comme pour traquer en moi cet homme normal qui serait le danger. Ce risque pour lui de ne pas comprendre. De se dire parmi les fous, aux mains d’un meurtrier. Aveuglé, non par la maladie, mais par sa mesure excessive.

vendredi 16 août 2013

177-

Ce corps immédiat. Le comprendre enfin. Lui rendre sa grâce, la justice qu’il n’aura jamais. Karl me propose de le faire, d’honorer ce corps qu’il ne connaît pas. De trouver une arme et de partir à la recherche de... Il fallait être totalement soûl pour ruminer une idée pareille. Nous l’étions. Entendre cette voix, cette présence édifiante en moi. Depuis le matin. L’intrusion monstrueuse, répondant à ce noir. Céline, les présages disséminés tout au long des semaines écoulées...Du diagnostic à la soirée chez les Costigan... Les appels au secours de Céline, son désir soudain d’enfanter. Peut-être pour se protéger d’un vide qu’elle pressentait. Peut-être pour m’accompagner vers la cécité. Des mois à voir son ventre comme un réceptacle sacré. Mes yeux se perdre dans ce devenir. Aller vers la nuit, presque serein, d’avoir transmis autre chose qu’un cabinet professionnel. C’était la réaction attendue, la réaction que j’aurais dû avoir.

jeudi 8 août 2013

176-

Qu’un lieu pareil puisse exister... « Cartouches Brass Eagle »... « Pack Sniper Crossman »... “Ruger Blackhawk” … Fusils neutralisés”… Ces mots sont restés gravés dans ma mémoire comme des impacts. De douloureuses réminiscences. De tout ce qu’il adviendra par la suite.  Il s’empare finalement d’une lampe-torche, qu’il décroche du mur. Une lampe surpuissante. Avec laquelle il balaie toute la pièce. Il cherche quelque chose. Il semble connaître le lieu, presque mieux que son appartement. Il y est totalement à son aise.  Se redéploie,  redevient cette bête, bloc de muscles. Il m’effraie. Mais l’odeur, son odeur... L’âme de Céline qu’il traîne partout avec lui. Il m’effraie et me séduit. Incarne une force bestiale, un relent infernal...Mais dans son sillage apparaît mon amour, ce corps défait.

lundi 5 août 2013

175-

Il pousse la porte. Ce qui à cette heure paraît surréaliste. Et rentre comme en heure ouvrable. Il se penche un peu. Trouver la lumière. Y renonce. Et grogne. Affligeante infirmité. Ce Karl, l’homme muet, qui m’entraîne là, dans ce monde-perdition, lieu d’échange et de mort, devient l’espace d’une seconde, il devient à lui tout seul, le trou béant dans le tissu universel. Silence, détresse abyssale de se voir isolé. A ce point.   
 
L’objet impossible qui se tient sur la faille. Et qui chute. L’oracle inutile d’une langue estropiée.