vendredi 28 octobre 2011

14-

Et tous ceux qui l’épousent traversent le monde, invincibles. Parce qu’ils sont le monde…Ils en adoptent le rythme. De toutes mes forces, de toute mon âme, j’ai essayé de lutter. Mais les rumeurs…Ces bruits dégueulasses m’ont fait disjoncter. J’ai supporté un temps…J’ai même cru réussir. Puis un jour…Une lettre…Des articles. Et les regards pour finir.

Je connais les auteurs de la lettre. Et leurs motivations. Le reste...Mécanique de haute précision qui appartient à l’indicible saloperie. A ce mouvement céleste…Vous savez…“Ce qui existe en réalité, ce ne sont pas les choses toutes faites, mais les choses en train de se faire”.

mercredi 26 octobre 2011

13-


Un autre refuge, d’autres cieux…Des griffes d’acier sont plantées à la place des arbres. Des morsures dans les trottoirs sombres. La matière invisible et les échos distants. C’est une foutue sépulture en vérité. Cendres dispersées…Il y a eu le crime, puis l’hôpital et  la morgue. Et l’autopsie. Et les photos. L’énorme dossier rempli de photos. Rempli de sa vie aussi. De la nôtre.

J’ai emprunté des chemins nocifs, poussé des portes et découvert des endroits inquiets. A chaque fois le même constat: tout est dispersion...En morceaux. Seule l’incohérence survit.

vendredi 21 octobre 2011

12-


Après…Je disparais dans le ventre de la violence. Ils veulent m’effacer. Comme on a tué Céline. Comme j’ai voulu tuer, pour comprendre le meurtre.

Le faisceau d’une lampe torche me traverse le front. Il arrose ensuite la petite foule de riverains. Un cercle dans le ciel, un balayage complet de la place. Que cherche-t-il ? Un complice ? Ma femme ressuscitée ? Elle est toujours présente, d’une autre façon…Cette place est sa tombe. Vous n’y pouvez rien. Les traces, les coups, un acte inqualifiable peuplent ce lieu. Sa couleur a changé, le décor a muté.

mercredi 19 octobre 2011

11-

Le flic me retient…Tandis que des âmes charitables viennent au secours de l’autre agent. Il a beuglé les mots urgence et psychiatrique. J’ai lancé un regard circulaire à cette masse d’humains. L’image m’a estomaqué...Du bleu et des ombres. Plus de détails. Une police populaire, grise et brutale. La main sur le cœur, la haine à la bouche. Elle est bien défendue leur place…Nouveaux crochets, nouveaux cris et nouvelles insultes. Enfin j’abandonne, je m’écroule. Qu’on me tue. J’ai dû envoyer ça en l’air. Dans le noir, aux façades...Qu’on me tue, j’ai dit. Qu’on en finisse. Reprenez le contrôle de votre monde minuscule. Tuez-moi...Comme une belle promotion. Un viol, un lynchage. Et après ?

mardi 18 octobre 2011

10-


Je commence à trembler. Pris de véritables convulsions. Les ombres hostiles se déplacent…J’entends des injures, je reçois des crachats. Je décide de me relever et de cavaler. Debout je pousse un hurlement. J’assène un coup dans le ventre d’un agent…Il trébuche un peu, me barre la route.

Un autre flic est dans mon dos. Je le sens. Sur la droite : des collabos. Sur la gauche : des collabos. Des gentils qui veulent nettoyer la honte qui recouvre leur jolie place, si coquette, si typique. S’ils m’attrapent, demain les journaux titreront : “les habitants de la place Machin ont débusqué le violeur”.

Merde ! J’ai pas tué Céline ! Plus aucun doute là-dessus. Mais la place Machin sera à nouveau digne et tranquille. Ils pourront à nouveau se réunir en associations, comités de citoyens ou de rénovation urbaine. Je les déteste tous.

Je suis debout. Je mords, je crache et je pourrais fracasser la tête de n’importe quel abruti qui s’opposerait à moi. Ils m’ont empêché de creuser…Elle était peut-être à quelques centimètres de moi. Des os, des fragments, des traces de sa présence, un objet, des choses à elle, un ongle, une lentille, une boucle d’oreille, une armature de soutien-gorge, un tube de rouge à lèvres, un carnet...Un lien quelconque qui me relierait à elle.

lundi 17 octobre 2011

9-


Je suis à plat ventre sur le terrain de basket. J’en étais là…Avec les habitants...Ces charognes qui n’ont pas entendu l’agression, mais qui veulent me tuer… Depuis un moment on dit que j’ai assassiné ma femme. Les flics m’encerclent. Je distingue des chaussures noires et le bas des uniformes bleus.

Bleu comme le revêtement du terrain de sport et les yeux de Céline. Les journaux ont écrit des choses…Moi-même je n’ai pas toujours été clair sur le sujet. J’ai trop souffert. Trop arpenté cette place et putain…Trop dérapé. Pourtant la justice n’a jamais confirmé les ragots. Jamais. Ce n’est qu’un jugement populace.

vendredi 14 octobre 2011

8-

Les bêtabloquants…C’est magique…Ils n’effacent pas les souvenirs pénibles. Ils en atténuent “l’impact émotionnel”. Le caractère douloureux si vous préférez. On peut ainsi revivre ad vitam les humiliations et les chocs.

Ensuite tout ça est refoulé. Mais la plupart du temps ça remonte à la surface. La conscience tourne en rond. Jolie petite esclave de situations désastreuses. La libération est radicale…Un trou dans le crâne, une chute dans le vide, une overdose de n’importe quoi. Pourvu qu’au bout il y ait un peu d’air frais. Une ville blanche...C’était avant...Avant l’apparition de ces molécules miracles qui vous rendent insensible à la souffrance psychique.

jeudi 13 octobre 2011

7-

Je pleure, je lève mes poings au ciel, vers les immeubles. Des lampes s’allument, des visages apparaissent. L’impuissance…Des yeux sur moi…Ils regardent la honte et la peine. La nuit semble avoir des dents…Elles me mordent jusqu’au sang. Les arbres, tristes pantins sombres, pourraient réagir au moins. Fumiers !

C’est moi qui montre les dents maintenant…Je dois même baver. La nuit ne desserre pas sa mâchoire, elle en a vu d’autres. Avec la barbe, les cheveux un peu trop long je dois être abominable. D’ailleurs, cette étrange forme qui se reflète dans la vitrine d’un restaurant, un truc décharnée pas très solide sur ses jambes, agressif pourtant comme un fauve, c’est moi. J’esquisse un mouvement sur le côté. Un bras m’empêche de partir par là. Le trou, le buisson, ma femme à l’intérieur qui pourrit. “Salops ! Salops !” La Place est réveillée, ça oui. On dirait un soir de fête. Une belle fête nocturne, avec les étoiles, des bougies, les odeurs agréables…Conneries…Ca sent la haine. Vraiment. Je crie, fort et clair. Puis ma voix se casse, elle retombe sur le revêtement d’un terrain de sport. Le terrain et son panier de basket…Je m’y suis réfugié en rampant sur le sol, comme un ver. Toujours les insectes. Les gens sont galvanisés. Les flics tentent de s’interposer. Ils craignent sans doute qu’on me lynche. “T’es qu’un violeur”…Ces mots…Ils enragent les habitants…Je suis fatigué.

mardi 11 octobre 2011

6-


Ils ont hurlé…Des flics en patrouille ont déboulé aussitôt. Pourquoi n’ont-ils pas entendu les cris de ma femme…J’ai crié à mon tour. Des insultes contre la nuit…Elle dessine des vagues noires et de l’écume grise. J’ai dû me défendre…Un coup dans la gueule de l’un. Un coup dans la gueule de l’autre…En retour, des coups sur ma gueule à moi.

lundi 10 octobre 2011

5-

J’ai fini à l’endroit précis où tout a commencé. Le corps a été découvert dans un buisson. Corps en sang. Celui de ma...J’ai creusé la terre. J’aurais voulu aller plus bas, ne plus remonter. De la terre sur mes bras, sur mon front. Des insectes qui se faufilent…Ils me rassurent d’une certaine façon. Ils s’ignorent, ils se passent par-dessus, ils font leur vie. Ils ne se dénoncent pas. Eventuellement, ils se bouffent entre eux. C’est dans l’ordre des choses. Comme une règle du jeu bien établie.
Des jeunes gens, qui devaient boire plus loin, ont entendu du bruit et sont venus à moi. Quand ils m’ont conduit sous la lumière d’un lampadaire…

4-

Dans la clarté artificielle…Avec des rayons de haine, un sang de feu. Et la séquestration qui m’a rendu comme une île… 

Les voix rouges tombent du ciel. L’accusation fut lancée par des “anonymes”. Elle a couru dans toute la ville. Réduite à des choses laides. Un bloc unitaire, un fantasme de cerveaux grégaires, baignant dans le déni. Des opinions lourdes comme du plomb. Avis fuyants…Aveugles et violents tout à la fois. Je tape dans le vide. Je reçois des coups dans le dos sur la tête dans les jambes. Je m’accroche à ce lit. Comme à la beauté…Cette idée abstraite d’un monde peuplé seulement de fantômes et de paysages disparus. Quand j’ouvre les yeux, à la lumière glaçante du réel, c’est le totalitarisme fraternel qui éclate. Le rêve affreux de l’uniformité. Le monstre renaît sur les cendres d’un Empire des lamentations. Ruiné par les repentirs et les haines refoulées.

vendredi 7 octobre 2011

3-


L’écriture s’est alors imposée. Genre de refuge vissé au sol. De l’encre noire pour un flux tendu de réflexions et de souvenirs. Avant le trou noir ou le tenir à distance. Il y a en permanence dans cette chambre de la lumière. Plus ou moins forte selon les heures. La nuit elle est en veilleuse. Petite lueur blanche qui maintient un semblant de jour. Un semblant de raison paraît-il. Je la regarde. J’y vois ce que je ne devrais plus y voir avec les médicaments. Avec eux je ne devrais plus regarder les sources de lumière durant des heures. Parce qu’elles m’aveuglent…Le monde se réduit à une lueur, concentré parfait d’énergie. De l’incandescence qui coule dans mes veines et me projette dans un univers de chairs à vif.

jeudi 6 octobre 2011

2-


Comme ça cette nuit dans un demi-sommeil. Même pas attaché, comme je l’ai été si souvent ces derniers temps. Assis et presque à poil. Un pantalon de pyjama bleu ciel. J’ai enlevé la chemise, elle est par terre. Pour me raconter je devais sentir le froid. Et très vite mon corps s’est en effet refroidi.

1-

Cette nuit j’ai décidé de raconter ce que j’ai vécu. Il se pourrait que cela aggrave mon état. Il se pourrait aussi que cela l’améliore. En fait je n’y accorde aucune importance. Aggravation amélioration...Des variations dérisoires.