jeudi 26 septembre 2013

193-

Celui qui rend à Karl sa parole...Que j’entends alors murmurer des prières, des éclats de sa guerre.
 
Dès l’évasion acquise, encore tradition rêvée. Et puis des prisons, des prisons. Ces tentatives d’y voir un message, alors que c’est niet, peanuts.  Alors que c’est un cercle fermé. Une irruption  lointaine et dévoreuse  de première fois. Ou Prophète à deux balles. La ruine et c’est tout. Comme le désarroi, sur les bords positifs. Alors que c’est non. La partie des eaux disparues, en une seconde sous des fixes.
 
Là disparaît privation du vrai
Consternant d’impureté
Mais le pur franchement...
 
Comme une langue refondue dans ces fondations relevées. De nuits fluctuantes à des comptoirs inaugurés. On tisse on emporte on disparaît.
 
De la lumière dans le sillage
Et c’est tout
La casse est la tombe
 
Toujours reconstruire. Plus dense plus large. Et la lumière, la lumière y tombe. De ses mots imprégnés, difficiles, d’une vie  d’errance entourée. Il faut sortir par l’exil incertain. Déposer dans ces murs une vie sans témoins.

 

mercredi 25 septembre 2013

192-


Celui qui me parle, passager toxique, itinérance et larmes impossibles. Les yeux secs de Karl, éteints comme des ampoules mortes. Grillées par les scènes convulsives.
 
C’est assez d’être ainsi énervé. De s'abîmer contre des tristesses et dans ce puits de lumière,  d’attendre la fosse. La puissante insulte. Ecrire sa propre histoire quel risque étrange...L’éclat d’un cierge bien droit, comme une offense foudroyante. A brandir dans une nuit épaisse. A couper la tempête, des incrustations ou la mémoire des reliefs. Matrice de l’esprit nouveau...Plus rien à foutre du temps. Comme teinté dans la masse. Un putain de bloc ciment : cogne, cogne ! Tes mains vont saigner. Pour Céline...Son malheur est partout, à ne pas suivre. Seulement à pleurer aux seuils composites. Un ton coupé des yeux revenus, les tiens que tu perds peu  à peu.
 
Et des squares,  au béton bientôt coloré, il sera revenant. Pièce unique, alumineuse aux cheveux. il y  a ce partage de l’usure.  Les inventaires qui tuent et ce pigment d’alcool. Tu deviens une pierre liquide.

mardi 24 septembre 2013

191-

Malgré les coupures…Les faillites précipitées, un rien s’immobilise. Une peur bleue. Malgré les écarts…La tête jamais vraiment libérée. J’ai dû tenir, accumuler des pages. Les retirer en ligne. Vertu solitaire…Vertige de merde.  Son écho dans la poitrine. Comme la douleur. Compagnie difficile à raisonner. Son cortège lancinant qui semble me pousser vers...Finalement la seule chose concrète.  De son air catastrophé. Après avoir trop bu, observant ses mains…Les oiseaux…De vagues vérités.  Et les toits en dernier ressort.
 
Sa vie que je tente de recoudre. De rattacher à ma peau, à mes souvenirs. La greffe de ses lambeaux sur mes manques. Ce visage incrusté. Façon d’une Femme nue et allongée. Homme et femme.
 
Sainte face. Sainte famille…I’m through with you. Rejoindre ainsi la solitude, que l’on prend dans la gueule…Comme une invocation. Une prière dans le vide. Sauvagement obtenue. Et puis c’est trop différent…On finit par l’admettre. Un peu tard. Devant une œuvre, une bière... Autre chose. On en termine, dans ce climat devenu sec et froid… Avec les fausses adresses, ces murs grattés laissant apparaître les dates. Leurs effets délétères qu’aucune parole ne pourra...Encore moins sortir de la tête. Refuser de l’entendre… I’m through with you... J’en ai fini avec toi. Dans ce monde. Seulement dans celui-là, mon amour. Dans ce monde, je commence mon histoire avec celui qui t'a ôté la vie.

lundi 23 septembre 2013

190-

A l’hécatombe nul n’est préparé. De ce chemin des morts, sillonnant ville et jardins, nul n’a jamais ramené autre  chose que sa fin. Autre chose que des ombres, qui deviennent compagnes des jours, cauchemars la nuit. Sans que les mots nous unissent, nous aient seulement donné une chance de le faire. Le corps maternel devenu comme un voile imperceptible. Traversant murs et conscience. Les sensations charnelles, le touché, évaporés dans ce théâtre noir. Antichambre et malaises. Celui-là je ne l’ai plus vu... Il m’a été arraché. Dérobé pour la bonne cause. Celui de Céline, en revanche...Je l’ai vu. De la vie à sa mort. Sa beauté jusqu’aux tréfonds de la chair. Sa vie dangereuse.

samedi 21 septembre 2013

189-


Le genre de détournements qui me propulsaient avec une telle facilité dans l’univers de Karl. De l’avoir trouvé sur ma route relève de ces hasards malheureux. Mais irrésistibles. Alors finalement ces voix, venant se poser sur ma raison, le déroulement rationnel du temps, m’ont servi. Déréglant jusqu’à l’absurde...Déréglant jusqu’à l’overdose, l’enfance oppressée, oppressante, la mort si présente, que j’en connais le goût - âcre, étrangement sucré, écœurant – et la vie d’adulte sur les pas de mon père, saint parmi les saints. Travailleur parmi les travailleurs. Dissimulateur parmi les dissimulateurs. Mais ça n’a servi à rien qu’il me la cache. Ca n’a servi à rien, sauf peut-être à me rendre si triste. De ce silence. De cet aveuglement. Chambre noire...Dans laquelle déjà un corps agonisait.

vendredi 20 septembre 2013

188-

Mettre fin à cette invasion. Ce parasitage de mes pensées... 
 
Tu es l'amorce à l'ouest de quelque chose...La fatigue comme un chien est lâchée...Ce péril est si grand, qu'une réaction néfaste ne m'effraie plus. Ce péril te ressemble, la distance me rend la mémoire...Ce qui fonce sur moi je l'aime déjà...Qu'il me désintègre et me rapproche de toi. 
 
Voilà...Voilà où la limite se situe : à cette porte que je n'ai pas ouverte. A cette voie d'accès pour une guérison provisoire, autant dire consommée, interdite. Qu'on achète le long des murs. Ce qui nous fait l’amorce d'une réponse, de quelque chose...La fatigue est ruinée pour un instant. Les langues se mélangent à nouveau. Et la rade s'éclaire. On essaie d'y voir une frontière silencieuse. Qui nous happe. On essaie d'y voir un Classic Noir, sur un de ces bâtiments bien alignés.  L'amorce d'une fièvre sans gravité.

jeudi 19 septembre 2013

187-

La corruption emportant sur son passage les témoins, plus ou moins, volontaires de ce désordre. A la surface pilonnée, qui ressemble à une peau tavelée. Grêlée. Visage de Karl...Remplaçant peu à peu la présence de Céline. Vision toujours moins effrayante que le manque...Entre son front et la nuque, qu’elle avait merveilleuse. Ce manque...Charnel puis désincarné.
 
Telle une beauté trop vite ensevelie. L’éternité vigoureuse proclame le déshonneur des rumeurs. De ses flammes véloces aux noirs édifices statiques...De sa brumeuse sépulture elle compose,  à présent, une musique drastique, des déflagrations muettes. Entre les parfums de vie et de mort.
 
De vie ou de mort...Elle hésite.
 
Vêtue de vapeurs narcotiques...Vais-je les charmer ou les intoxiquer ? Ou les charmer et les détruire ensuite ? Etranges émanations toxiques comme l’industrie navale de cette ville. Douce électrocution que cette voix atmosphérique qui vibre et apprivoise l’errance, la peine immortelle. Sur le lugubre elle médite et rumine une vengeance assoupie. Qu’elle te transmet. Tu en hérites.
 
Cuve d'ammoniac ou de pétrole ? Elle jure de toutes les exploser. En vers libres des outrages à la vie.
Des infractions aux lois positives...Et elles’interroge dans sa robe d’encre.
 
Les vices et les rivages critiques
Les vices ou les funestes ravages ?
Une si jeune dissonance impérissable...
Lorsqu’elle contemple sa dégradation
Elle est soudain prise d’une fièvre
 
Une montée couleur de suie. Un charbon raffiné qui mâchure et qui souille le terrain de réflexions calomnieuses. Qu’elle recycle aussitôt dans ses ténèbres.

mardi 17 septembre 2013

186-

L’étroitesse des pièces dans lesquelles Karl survivait. De ces lieux désertiques, bornés par des  montagnes arides, aux appartements minuscules, cloisons perforées. Criblées d’éclats intimes, de blessures. De membres fantômes. Les silhouettes à ses côtés, aux visages presque identiques. Le regard entravé par d’épaisses lunettes noires. Individus interchangeables, alourdis par de puissants appareils, greffés dans leur dos. Objets communicants, abandonnés mais repérables en temps réel. Epinglés sur un mur. Je vois bien dans les yeux de Karl à cet instant le dérèglement. Il succède à la mort, cette absence de lumière.

jeudi 12 septembre 2013

185-

 
J’ai tant fait, insoucieux, pour apprendre à tirer. Viser juste. Dans une nuit interminable. Le trouver, l’abattre. Alors que les images se pressaient, puis se décomposaient. Photos de Céline, le temps de sa vie, d’un souffle certain à ma nuque. Prises tout au long de notre parcours commun.  Allongée lascive, étrangement belle. Que sont-ils devenus ces clichés numériques ? Je l’ignore. Perdus dans un disque dur. Mais ils sont là quelque part. Preuves d’une existence. La sienne, la nôtre. Elles se heurtent aux déchirures, au sang de l’argentique. L’autopsie de sa fin, de la mienne. En mille images de soi dispersées. Les rassembler, reconstituer. Avec la peine indescriptible au corps, à l’esprit. Cristallisée ce soir-là dans une arme. Le seul chemin possible. L’étroitesse du canon.

mardi 10 septembre 2013

184-

Il me serre contre lui, mon dos contre son torse. A tout asservi je perds, dans sa délicatesse, l’envie de me rebeller. Le supplice d’avoir perdu Céline semble s’évanouir contre lui, sa folle odeur féminine, émanant d’un corps si frustre et puissant. Il positionne mes mains correctement sur la poignée, sous le niveau de la culasse. En serrant ses doigts autour des miens. Un étau. Dans l’axe du tir il y a pour l’instant un mur délabré. Recouvert de photos, que je vois lorsque le faisceau de la lampe de Karl les balaye. Certaines ressemblent à celle qu’il me montra plus tôt...Lui en uniforme, en tenue de combat. Paysages ocre et terreux.

 

lundi 9 septembre 2013

183-

Armer le chien
Déverrouiller la sûreté
La première cartouche
La chambrer - Presser
Enfin la détente  

Les gestes de Karl sont d’une précision redoutable. La mezzanine tremble dangereusement, sous notre poids et les mouvements de l’ancien soldat. Qui m’indique dans la foulée comment le tenir. D’abord la main droite. Que la main gauche vient envelopper totalement. Le contact avec la poignée me surprend...D’une froideur pourtant prévisible. Mais c’est la première fois que j’ai dans les mains un pistolet. Avec l’intention de m’en servir. Karl parvient à se faire comprendre en utilisant son corps.

vendredi 6 septembre 2013

182-

Verlaine, de ses prisons, écrivait « Priant, à travers mes larmes, à travers les sourires, comme d’enfant, de comme un criminel racheté, priant, ô, à deux genoux, à deux mains, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces, selon mon catéchisme ressuscité ! »... De mes prisons, j’entends la même chose, mais de la bouche d’un monstre. Qui, visage de Céline emporté, se manifeste triomphant, arrogant...Et je tiens ce flingue à la main. Il me va bien. Je me dis ça. Il me va bien. Karl m’éclaire avec sa lampe, et semble apaisé. Presque heureux. Il veut m’expliquer son fonctionnement. C’est un semi-automatique. Beretta 92. Ce que j’ai appris plus tard.

 

jeudi 5 septembre 2013

181-

Et dans ma tête, j’entends à nouveau l’écho monstrueux de cette voix intérieure. Qui, depuis le matin, me hante.
 
En parlant de subir ta vengeance...Je veux bien vendre ma peau, imbibée de bonne heure et sans pitié...J’ignore ce qui me manque, comme une esquisse que je suis.  Nous avons notre salut toxique. Fatigué...Fatigué... A fleur de bière et de peau...Est-ce que tu veux de cette ombre ? Le plus simple appareil, une balle, la fumée d’une prière.  Une balle la fumée d’une prière... Remplacée par une ébauche...Sorte de premier jet ou de carcasse. Que l’on habille d’un tee-shirt Levi’s...Que l’on entraîne sur les hauteurs. La lumière me traverse, entre-temps se prépare la nuit, les immeubles s’accroupissent... Plus minces et moins sûrs. Entre-temps le message est reçu...Super ! J’ai pensé. L’envie m’a quitté...D’une guerre éclair. Son agonie avec cette ébauche de sourire...C’est comme si tous les contraires essayaient de s’unir...Tout va si vite qu’on devient entre ces murs de simples esprits. Au vécu si frêle...Merde !  J’ai pensé : l’envie, la salope, est revenue...Faut redescendre dans la fosse,  une esquive de plus...En parlant d’être. En parlant d’elle. En parlant de ta femme.

mardi 3 septembre 2013

180-

Le bois grince, et la rambarde si fine. On eût dit qu’elle pouvait s’effondrer à peine touchée. Un instant nous demeurâmes sur le minuscule palier...Tout aussi fragile. Mezzanine délabrée, servant de chambre. Enfin de niche plutôt. Un matelas sur le sol branlant, deux cartons, comme ceux qui jonchent le trottoir en face de chez Karl. Nous tenons à peine tous les deux dans cet espace exiguë. Le désir fugitif que la mezzanine s’écroule. Mais elle a tenu. Karl a tiré de l’intérieur du matelas, percé sur le côté, un sac qu’il m’a immédiatement remis entre les mains. J’ai su ce que c’était à la seconde. Une arme à feu. Et dans ma tête j’entends...Shoot! Shoot! Shoot!

lundi 2 septembre 2013

179-

Mais aucune chance qu’il le trouve en moi cet homme. Il est mort celui-là, et depuis longtemps. A-t-il seulement existé ? Il peut sombrer Karl, sombrer dans son délire. Fouiller ce local, le défoncer s’il le veut. Je n’y trouve rien à redire. Il finit par comprendre, et cesse de me braquer avec son faisceau lumineux. Avec acharnement, il retourne chaque carton. Chaque parcelle de sa conscience militarisée. Il repart en guerre. Elle est de retour. Dans sa tête, elle reprend vie  
 
Comme il a dû tuer ce Karl, au corps massif, avachi. Comme il a dû y prendre du plaisir, puis en souffrir. Que peut-il arriver de pire...Devenir ce tueur professionnel. Devenir ce tueur. Le rester. Et se dire qu’au fond, il n’y a pas d’autre solution. Ici comme là-bas. Que de détruire l’origine de son malheur. Après ? Après quoi...Rien. Mais ce n’est pas l’essentiel. Survivre, peut-être. C’est bien. Survivre oui... Se replier dans une pièce. Prendre du poids. Ou maigrir. Négliger sa tenue, le ménage. Finir par être foutu à la porte de son logement. Revenir sur ses pas.  Mais où ? Au mieux, tourner en rond. Ecumer les lieux fantômes de sa fuite. Cette armurerie en est un pour Karl. Il m’indique du doigt un petit escalier au fond du magasin. M’y entraîne ensuite par le bras.