mercredi 2 octobre 2013

195-



Que ma main te guérisse...Te fasse revenir, te redessine un visage béni. Pour mes fautes, mes projections déviantes. Mon amour détruit. Je tiens l’arme qui te ramènera à cette vie. Celle qui éteindra les paroles comme des braises. Brûlant lentement ma raison. Les intentions les meilleures. Peu à peu dégradées, réduites aux ombres. Projections déviations...Implosions. Qu’elle te caresse, effaçant les blessures. Douleurs indescriptibles que je n’ai su t’épargner.

mardi 1 octobre 2013

194-

Puis qui revient vers moi, envahissant, remplissant mon cerveau de nouveaux scénarii.
 
C'était pas compliqué...Un de trop, un murmure inutile. Au chevet des substances, à la portée de tous...Parce que rien n'est franchement clair. La naissance par exemple...La naissance on s'en branle...A la portée infirme. Ce qu'on s'enfile mérite pas ça. La douleur mérite mieux. Mais l'imposer aux autres à leurs chagrins...Franchement...Le sang de leur sang...And the whole shooting match...C'était pas compliqué.  De nous deux...Pas de place...Que voulez-vous de plus ? Chair contre chair...Le fruit des entrailles et voilà.
 
Ça devient une histoire banale de cancer ou de tox. De paroles avalées.  De "qui suis-Je ?"...A ton avis ? A quel point c'est dur...Toxs en bande en groupe...Si nombreux que c'est inutile d'en jeter davantage à la face. Au démarrage y avait l'envie d'un monde d'une cité en partance.  De personnes à la marge. De leurs confessions dissimulées. Elles devant moi derrière. Au démarrage c'était ça. Des cas limites et le meurtre. Du sang de la bête morte...Que la main guérisse de ses réserves.
 

jeudi 26 septembre 2013

193-

Celui qui rend à Karl sa parole...Que j’entends alors murmurer des prières, des éclats de sa guerre.
 
Dès l’évasion acquise, encore tradition rêvée. Et puis des prisons, des prisons. Ces tentatives d’y voir un message, alors que c’est niet, peanuts.  Alors que c’est un cercle fermé. Une irruption  lointaine et dévoreuse  de première fois. Ou Prophète à deux balles. La ruine et c’est tout. Comme le désarroi, sur les bords positifs. Alors que c’est non. La partie des eaux disparues, en une seconde sous des fixes.
 
Là disparaît privation du vrai
Consternant d’impureté
Mais le pur franchement...
 
Comme une langue refondue dans ces fondations relevées. De nuits fluctuantes à des comptoirs inaugurés. On tisse on emporte on disparaît.
 
De la lumière dans le sillage
Et c’est tout
La casse est la tombe
 
Toujours reconstruire. Plus dense plus large. Et la lumière, la lumière y tombe. De ses mots imprégnés, difficiles, d’une vie  d’errance entourée. Il faut sortir par l’exil incertain. Déposer dans ces murs une vie sans témoins.

 

mercredi 25 septembre 2013

192-


Celui qui me parle, passager toxique, itinérance et larmes impossibles. Les yeux secs de Karl, éteints comme des ampoules mortes. Grillées par les scènes convulsives.
 
C’est assez d’être ainsi énervé. De s'abîmer contre des tristesses et dans ce puits de lumière,  d’attendre la fosse. La puissante insulte. Ecrire sa propre histoire quel risque étrange...L’éclat d’un cierge bien droit, comme une offense foudroyante. A brandir dans une nuit épaisse. A couper la tempête, des incrustations ou la mémoire des reliefs. Matrice de l’esprit nouveau...Plus rien à foutre du temps. Comme teinté dans la masse. Un putain de bloc ciment : cogne, cogne ! Tes mains vont saigner. Pour Céline...Son malheur est partout, à ne pas suivre. Seulement à pleurer aux seuils composites. Un ton coupé des yeux revenus, les tiens que tu perds peu  à peu.
 
Et des squares,  au béton bientôt coloré, il sera revenant. Pièce unique, alumineuse aux cheveux. il y  a ce partage de l’usure.  Les inventaires qui tuent et ce pigment d’alcool. Tu deviens une pierre liquide.

mardi 24 septembre 2013

191-

Malgré les coupures…Les faillites précipitées, un rien s’immobilise. Une peur bleue. Malgré les écarts…La tête jamais vraiment libérée. J’ai dû tenir, accumuler des pages. Les retirer en ligne. Vertu solitaire…Vertige de merde.  Son écho dans la poitrine. Comme la douleur. Compagnie difficile à raisonner. Son cortège lancinant qui semble me pousser vers...Finalement la seule chose concrète.  De son air catastrophé. Après avoir trop bu, observant ses mains…Les oiseaux…De vagues vérités.  Et les toits en dernier ressort.
 
Sa vie que je tente de recoudre. De rattacher à ma peau, à mes souvenirs. La greffe de ses lambeaux sur mes manques. Ce visage incrusté. Façon d’une Femme nue et allongée. Homme et femme.
 
Sainte face. Sainte famille…I’m through with you. Rejoindre ainsi la solitude, que l’on prend dans la gueule…Comme une invocation. Une prière dans le vide. Sauvagement obtenue. Et puis c’est trop différent…On finit par l’admettre. Un peu tard. Devant une œuvre, une bière... Autre chose. On en termine, dans ce climat devenu sec et froid… Avec les fausses adresses, ces murs grattés laissant apparaître les dates. Leurs effets délétères qu’aucune parole ne pourra...Encore moins sortir de la tête. Refuser de l’entendre… I’m through with you... J’en ai fini avec toi. Dans ce monde. Seulement dans celui-là, mon amour. Dans ce monde, je commence mon histoire avec celui qui t'a ôté la vie.

lundi 23 septembre 2013

190-

A l’hécatombe nul n’est préparé. De ce chemin des morts, sillonnant ville et jardins, nul n’a jamais ramené autre  chose que sa fin. Autre chose que des ombres, qui deviennent compagnes des jours, cauchemars la nuit. Sans que les mots nous unissent, nous aient seulement donné une chance de le faire. Le corps maternel devenu comme un voile imperceptible. Traversant murs et conscience. Les sensations charnelles, le touché, évaporés dans ce théâtre noir. Antichambre et malaises. Celui-là je ne l’ai plus vu... Il m’a été arraché. Dérobé pour la bonne cause. Celui de Céline, en revanche...Je l’ai vu. De la vie à sa mort. Sa beauté jusqu’aux tréfonds de la chair. Sa vie dangereuse.

samedi 21 septembre 2013

189-


Le genre de détournements qui me propulsaient avec une telle facilité dans l’univers de Karl. De l’avoir trouvé sur ma route relève de ces hasards malheureux. Mais irrésistibles. Alors finalement ces voix, venant se poser sur ma raison, le déroulement rationnel du temps, m’ont servi. Déréglant jusqu’à l’absurde...Déréglant jusqu’à l’overdose, l’enfance oppressée, oppressante, la mort si présente, que j’en connais le goût - âcre, étrangement sucré, écœurant – et la vie d’adulte sur les pas de mon père, saint parmi les saints. Travailleur parmi les travailleurs. Dissimulateur parmi les dissimulateurs. Mais ça n’a servi à rien qu’il me la cache. Ca n’a servi à rien, sauf peut-être à me rendre si triste. De ce silence. De cet aveuglement. Chambre noire...Dans laquelle déjà un corps agonisait.

vendredi 20 septembre 2013

188-

Mettre fin à cette invasion. Ce parasitage de mes pensées... 
 
Tu es l'amorce à l'ouest de quelque chose...La fatigue comme un chien est lâchée...Ce péril est si grand, qu'une réaction néfaste ne m'effraie plus. Ce péril te ressemble, la distance me rend la mémoire...Ce qui fonce sur moi je l'aime déjà...Qu'il me désintègre et me rapproche de toi. 
 
Voilà...Voilà où la limite se situe : à cette porte que je n'ai pas ouverte. A cette voie d'accès pour une guérison provisoire, autant dire consommée, interdite. Qu'on achète le long des murs. Ce qui nous fait l’amorce d'une réponse, de quelque chose...La fatigue est ruinée pour un instant. Les langues se mélangent à nouveau. Et la rade s'éclaire. On essaie d'y voir une frontière silencieuse. Qui nous happe. On essaie d'y voir un Classic Noir, sur un de ces bâtiments bien alignés.  L'amorce d'une fièvre sans gravité.

jeudi 19 septembre 2013

187-

La corruption emportant sur son passage les témoins, plus ou moins, volontaires de ce désordre. A la surface pilonnée, qui ressemble à une peau tavelée. Grêlée. Visage de Karl...Remplaçant peu à peu la présence de Céline. Vision toujours moins effrayante que le manque...Entre son front et la nuque, qu’elle avait merveilleuse. Ce manque...Charnel puis désincarné.
 
Telle une beauté trop vite ensevelie. L’éternité vigoureuse proclame le déshonneur des rumeurs. De ses flammes véloces aux noirs édifices statiques...De sa brumeuse sépulture elle compose,  à présent, une musique drastique, des déflagrations muettes. Entre les parfums de vie et de mort.
 
De vie ou de mort...Elle hésite.
 
Vêtue de vapeurs narcotiques...Vais-je les charmer ou les intoxiquer ? Ou les charmer et les détruire ensuite ? Etranges émanations toxiques comme l’industrie navale de cette ville. Douce électrocution que cette voix atmosphérique qui vibre et apprivoise l’errance, la peine immortelle. Sur le lugubre elle médite et rumine une vengeance assoupie. Qu’elle te transmet. Tu en hérites.
 
Cuve d'ammoniac ou de pétrole ? Elle jure de toutes les exploser. En vers libres des outrages à la vie.
Des infractions aux lois positives...Et elles’interroge dans sa robe d’encre.
 
Les vices et les rivages critiques
Les vices ou les funestes ravages ?
Une si jeune dissonance impérissable...
Lorsqu’elle contemple sa dégradation
Elle est soudain prise d’une fièvre
 
Une montée couleur de suie. Un charbon raffiné qui mâchure et qui souille le terrain de réflexions calomnieuses. Qu’elle recycle aussitôt dans ses ténèbres.

mardi 17 septembre 2013

186-

L’étroitesse des pièces dans lesquelles Karl survivait. De ces lieux désertiques, bornés par des  montagnes arides, aux appartements minuscules, cloisons perforées. Criblées d’éclats intimes, de blessures. De membres fantômes. Les silhouettes à ses côtés, aux visages presque identiques. Le regard entravé par d’épaisses lunettes noires. Individus interchangeables, alourdis par de puissants appareils, greffés dans leur dos. Objets communicants, abandonnés mais repérables en temps réel. Epinglés sur un mur. Je vois bien dans les yeux de Karl à cet instant le dérèglement. Il succède à la mort, cette absence de lumière.

jeudi 12 septembre 2013

185-

 
J’ai tant fait, insoucieux, pour apprendre à tirer. Viser juste. Dans une nuit interminable. Le trouver, l’abattre. Alors que les images se pressaient, puis se décomposaient. Photos de Céline, le temps de sa vie, d’un souffle certain à ma nuque. Prises tout au long de notre parcours commun.  Allongée lascive, étrangement belle. Que sont-ils devenus ces clichés numériques ? Je l’ignore. Perdus dans un disque dur. Mais ils sont là quelque part. Preuves d’une existence. La sienne, la nôtre. Elles se heurtent aux déchirures, au sang de l’argentique. L’autopsie de sa fin, de la mienne. En mille images de soi dispersées. Les rassembler, reconstituer. Avec la peine indescriptible au corps, à l’esprit. Cristallisée ce soir-là dans une arme. Le seul chemin possible. L’étroitesse du canon.

mardi 10 septembre 2013

184-

Il me serre contre lui, mon dos contre son torse. A tout asservi je perds, dans sa délicatesse, l’envie de me rebeller. Le supplice d’avoir perdu Céline semble s’évanouir contre lui, sa folle odeur féminine, émanant d’un corps si frustre et puissant. Il positionne mes mains correctement sur la poignée, sous le niveau de la culasse. En serrant ses doigts autour des miens. Un étau. Dans l’axe du tir il y a pour l’instant un mur délabré. Recouvert de photos, que je vois lorsque le faisceau de la lampe de Karl les balaye. Certaines ressemblent à celle qu’il me montra plus tôt...Lui en uniforme, en tenue de combat. Paysages ocre et terreux.

 

lundi 9 septembre 2013

183-

Armer le chien
Déverrouiller la sûreté
La première cartouche
La chambrer - Presser
Enfin la détente  

Les gestes de Karl sont d’une précision redoutable. La mezzanine tremble dangereusement, sous notre poids et les mouvements de l’ancien soldat. Qui m’indique dans la foulée comment le tenir. D’abord la main droite. Que la main gauche vient envelopper totalement. Le contact avec la poignée me surprend...D’une froideur pourtant prévisible. Mais c’est la première fois que j’ai dans les mains un pistolet. Avec l’intention de m’en servir. Karl parvient à se faire comprendre en utilisant son corps.

vendredi 6 septembre 2013

182-

Verlaine, de ses prisons, écrivait « Priant, à travers mes larmes, à travers les sourires, comme d’enfant, de comme un criminel racheté, priant, ô, à deux genoux, à deux mains, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces, selon mon catéchisme ressuscité ! »... De mes prisons, j’entends la même chose, mais de la bouche d’un monstre. Qui, visage de Céline emporté, se manifeste triomphant, arrogant...Et je tiens ce flingue à la main. Il me va bien. Je me dis ça. Il me va bien. Karl m’éclaire avec sa lampe, et semble apaisé. Presque heureux. Il veut m’expliquer son fonctionnement. C’est un semi-automatique. Beretta 92. Ce que j’ai appris plus tard.

 

jeudi 5 septembre 2013

181-

Et dans ma tête, j’entends à nouveau l’écho monstrueux de cette voix intérieure. Qui, depuis le matin, me hante.
 
En parlant de subir ta vengeance...Je veux bien vendre ma peau, imbibée de bonne heure et sans pitié...J’ignore ce qui me manque, comme une esquisse que je suis.  Nous avons notre salut toxique. Fatigué...Fatigué... A fleur de bière et de peau...Est-ce que tu veux de cette ombre ? Le plus simple appareil, une balle, la fumée d’une prière.  Une balle la fumée d’une prière... Remplacée par une ébauche...Sorte de premier jet ou de carcasse. Que l’on habille d’un tee-shirt Levi’s...Que l’on entraîne sur les hauteurs. La lumière me traverse, entre-temps se prépare la nuit, les immeubles s’accroupissent... Plus minces et moins sûrs. Entre-temps le message est reçu...Super ! J’ai pensé. L’envie m’a quitté...D’une guerre éclair. Son agonie avec cette ébauche de sourire...C’est comme si tous les contraires essayaient de s’unir...Tout va si vite qu’on devient entre ces murs de simples esprits. Au vécu si frêle...Merde !  J’ai pensé : l’envie, la salope, est revenue...Faut redescendre dans la fosse,  une esquive de plus...En parlant d’être. En parlant d’elle. En parlant de ta femme.

mardi 3 septembre 2013

180-

Le bois grince, et la rambarde si fine. On eût dit qu’elle pouvait s’effondrer à peine touchée. Un instant nous demeurâmes sur le minuscule palier...Tout aussi fragile. Mezzanine délabrée, servant de chambre. Enfin de niche plutôt. Un matelas sur le sol branlant, deux cartons, comme ceux qui jonchent le trottoir en face de chez Karl. Nous tenons à peine tous les deux dans cet espace exiguë. Le désir fugitif que la mezzanine s’écroule. Mais elle a tenu. Karl a tiré de l’intérieur du matelas, percé sur le côté, un sac qu’il m’a immédiatement remis entre les mains. J’ai su ce que c’était à la seconde. Une arme à feu. Et dans ma tête j’entends...Shoot! Shoot! Shoot!

lundi 2 septembre 2013

179-

Mais aucune chance qu’il le trouve en moi cet homme. Il est mort celui-là, et depuis longtemps. A-t-il seulement existé ? Il peut sombrer Karl, sombrer dans son délire. Fouiller ce local, le défoncer s’il le veut. Je n’y trouve rien à redire. Il finit par comprendre, et cesse de me braquer avec son faisceau lumineux. Avec acharnement, il retourne chaque carton. Chaque parcelle de sa conscience militarisée. Il repart en guerre. Elle est de retour. Dans sa tête, elle reprend vie  
 
Comme il a dû tuer ce Karl, au corps massif, avachi. Comme il a dû y prendre du plaisir, puis en souffrir. Que peut-il arriver de pire...Devenir ce tueur professionnel. Devenir ce tueur. Le rester. Et se dire qu’au fond, il n’y a pas d’autre solution. Ici comme là-bas. Que de détruire l’origine de son malheur. Après ? Après quoi...Rien. Mais ce n’est pas l’essentiel. Survivre, peut-être. C’est bien. Survivre oui... Se replier dans une pièce. Prendre du poids. Ou maigrir. Négliger sa tenue, le ménage. Finir par être foutu à la porte de son logement. Revenir sur ses pas.  Mais où ? Au mieux, tourner en rond. Ecumer les lieux fantômes de sa fuite. Cette armurerie en est un pour Karl. Il m’indique du doigt un petit escalier au fond du magasin. M’y entraîne ensuite par le bras.

mercredi 21 août 2013

178-

Cette pensée troue littéralement mon esprit, comme un acide. Le visage emporté. Ma conscience brûlée au troisième degré. Pensée qui se heurte aux gestes fébriles de Karl. De temps en temps, il dirige sa lampe sur moi. Et m’éclaire des pieds à la tête. Comme pour mesurer la confiance qu’il peut me faire. Comme pour traquer en moi cet homme normal qui serait le danger. Ce risque pour lui de ne pas comprendre. De se dire parmi les fous, aux mains d’un meurtrier. Aveuglé, non par la maladie, mais par sa mesure excessive.

vendredi 16 août 2013

177-

Ce corps immédiat. Le comprendre enfin. Lui rendre sa grâce, la justice qu’il n’aura jamais. Karl me propose de le faire, d’honorer ce corps qu’il ne connaît pas. De trouver une arme et de partir à la recherche de... Il fallait être totalement soûl pour ruminer une idée pareille. Nous l’étions. Entendre cette voix, cette présence édifiante en moi. Depuis le matin. L’intrusion monstrueuse, répondant à ce noir. Céline, les présages disséminés tout au long des semaines écoulées...Du diagnostic à la soirée chez les Costigan... Les appels au secours de Céline, son désir soudain d’enfanter. Peut-être pour se protéger d’un vide qu’elle pressentait. Peut-être pour m’accompagner vers la cécité. Des mois à voir son ventre comme un réceptacle sacré. Mes yeux se perdre dans ce devenir. Aller vers la nuit, presque serein, d’avoir transmis autre chose qu’un cabinet professionnel. C’était la réaction attendue, la réaction que j’aurais dû avoir.

jeudi 8 août 2013

176-

Qu’un lieu pareil puisse exister... « Cartouches Brass Eagle »... « Pack Sniper Crossman »... “Ruger Blackhawk” … Fusils neutralisés”… Ces mots sont restés gravés dans ma mémoire comme des impacts. De douloureuses réminiscences. De tout ce qu’il adviendra par la suite.  Il s’empare finalement d’une lampe-torche, qu’il décroche du mur. Une lampe surpuissante. Avec laquelle il balaie toute la pièce. Il cherche quelque chose. Il semble connaître le lieu, presque mieux que son appartement. Il y est totalement à son aise.  Se redéploie,  redevient cette bête, bloc de muscles. Il m’effraie. Mais l’odeur, son odeur... L’âme de Céline qu’il traîne partout avec lui. Il m’effraie et me séduit. Incarne une force bestiale, un relent infernal...Mais dans son sillage apparaît mon amour, ce corps défait.

lundi 5 août 2013

175-

Il pousse la porte. Ce qui à cette heure paraît surréaliste. Et rentre comme en heure ouvrable. Il se penche un peu. Trouver la lumière. Y renonce. Et grogne. Affligeante infirmité. Ce Karl, l’homme muet, qui m’entraîne là, dans ce monde-perdition, lieu d’échange et de mort, devient l’espace d’une seconde, il devient à lui tout seul, le trou béant dans le tissu universel. Silence, détresse abyssale de se voir isolé. A ce point.   
 
L’objet impossible qui se tient sur la faille. Et qui chute. L’oracle inutile d’une langue estropiée.

mardi 23 juillet 2013

174


Aux yeux des passants, des miens aussi, depuis la veille, où je l’ai laissée, pour une nuit...Pulsations accélérées...Diablement sournoises. The bar is below street level...Quelque part dans une poussière d'images et de couleurs vives...Beaucoup trop pour être honnêtes. C'est pas normal...Dans la nature des choses et de cette rue profonde.  Mais le risque est là  et s'immisce au mépris...The bar is below street level. Profane et bruyant...Habitudes ruinées au profit d'autres bruits...Délivrés de toute pression,  livrés à eux-mêmes et qui, bien sûr, déconnent. Ce que je donnerai pour la tenir encore....D'espaces vides en zones piétonnes...Pour un après.

 

vendredi 12 juillet 2013

173-

Karl s’arrête devant une vitrine bouffée par la poussière. Ancienne armurerie. « Lourdes ténèbres de l’existence... Commune et journalière » ... Ou si lointaine inconnue. Comme les pans entiers d’une ville souterraine, si longtemps portés. A la place, un corps. D’abord invisible  aux yeux des passants, les premiers, ce matin-là à s’en approcher. Présence pourtant de l’insensé.

lundi 8 juillet 2013

172-

Alors que l’enterrement de Céline est à venir, que j’y pense à peine, pourtant, cette nuit-là. Je pense à elle vivante.  Je pense à nos photos. A ce qu’elle me disait. Ce qu’elle ressentait. Au fond je ne l’ai jamais su. La découverte de cet angle mort a quelque chose d’effrayant. Comme son visage disparu.

 

mercredi 3 juillet 2013

171-

Puis je ne vois plus que des masses. Ce corps massif à mes côtés, ces parois abruptes, qui dans la nuit, remplacent les immeubles. Elles aspirent le peu d’air qui parvient à circuler dans la voie. Et font surgir des bribes de notre vie commune. D’autres vies, réduites à l’essence. Aux doutes. Pourquoi j’y pense maintenant ? Alors que Céline n’est même pas encore enterrée... 
 
De sa réserve elle n’est jamais sortie. Livrée à ses questions…Aux frontières qui ne disent pas leur nom…Sauf un désarroi. Seule réponse pour la ville censurée, traversée de messages…De rapports Premium, de cartes Gold, tant  qu’elles marchent encore… Ecran total contre les coups. Il en faut pour échapper aux canons là-bas, aux meurtres ici. Ces choses à la mode…Nourries  d’éloges mâtinées d’ivresses…Et de fusions putain…De fusions pas très claires. De la finesse pour y croire sans pour autant devenir une annonce. Un pauvre fac-similé…
 

vendredi 28 juin 2013

170-

De cette voie que Karl semble connaître parfaitement. Le silence qu’il y règne...Je l’imagine aussi la journée silencieuse. Celui qui possède à présent Céline, qui possède son visage et sa grâce, y vit peut-être. L’idée me traverse, la violence de cette idée, elle semble me déchirer le cerveau. J’attrape Karl par le bras. Il ne s’arrête pas. Il pourrait me traîner ainsi, pendu à son bras, des heures. Il semble possédé, aspiré par le seuil de cette rue. Des grognements parfois. Pour paroles. Des mots abîmés, essayant de trouver une porte de sortie. L’alcool, ses traumatismes, mon récit d’horreur. Quelque chose l’incite à tailler le trottoir. Le sentiment maintenant, toujours la nuit, cette lampe minuscule qui me guide ; qu’il devait marcher comme ça dans son pays de guerre et d’affronts.  Je ne vois que les débris de la ville, flottants devant nous. Lumières étranges, pouvant soulever le cœur, par-delà les verres enquillés. Celles de Céline...Ses preuves de vie.

mercredi 26 juin 2013

169-

Ils obligent à errer, dans sa vie, le passé. Comme un pavé humide. Glissant. Instable. A ne jamais rencontrer le tangible, la chair perdue. Chaleur au bout des doigts. Dans les draps salis, de présences aimantes. De rapprochements au parfum triste ou si gai. De parfum d’envies, désirs assouvis, négligés. Alors que les ateliers forment cette masse énorme, hérissées de  lumières pâlissantes, Karl m’en détourne. Nous avons emprunté une rue, à la résonance apaisante. A l’étroitesse ensorcelante. Je revois très bien nos ombres écorchées par le crépi des vieux immeubles. L’odeur que traîne cette ville, les jours plongés dans la bruine. Lambeaux des papiers peints, bois gonflés, portes traînant sur des parquets soufflés. Soulevés par une eau marine. L’odeur nous accompagne tout au long de cette voie si longue.

lundi 24 juin 2013

168-

« Couple uni dans un secret »...Détruit, puis reconstruit le temps de ne rien comprendre. Je la porte, elle est moi. Comme une composition...Une part disparue, mais dont le souvenir est si fort. Qu’une main posée dans mon dos semble me pousser...Nous arrivons au bord d’un plateau, ses ateliers désaffectés. Encore synthèses du passé. Certaines latitudes  sont des poisons...Certains lieux sont des poisons...L’exposé macabre de faits, de gestes.
 

vendredi 21 juin 2013

167-

En poursuivant le fil de ces pensées, en essayant désormais, de leur trouver un décor, je tente de nommer chacune des étapes qui m’ont conduit auprès de cet homme. Blocs, impasses, adresses à retrouver. Visage à remettre à sa place. Mais c’est impossible. Impossible, parce tout se dérobe à chaque fois.

mardi 18 juin 2013

166-

Des hommes soudain sans passé. Ni mémoire vive. Jetés dans le noir, le froid, ces données errantes...Ou bruits parasites dans le silence des artères. Je réalise alors que je suis dehors, à la même heure que Céline, que je marche comme elle, la veille. Que les heures qui me séparent d’elle ne sont qu’une poignée, qu’il aurait suffi que je ne boive pas. Que je l’accompagne. Encore une donnée errante. Une pensée à l’évidence tranchante. Il aurait suffi. Ces mots ont la vulgarité épaisse d’une mauvaise farce. Je traîne avec ce type, Karl, et même là, je ne saisis pas bien le sens de cette marche. Quel homme suis-je donc pour avoir si vite tout abandonné ? Pour avoir noyé un chagrin chronique, dramatiquement aggravé, dans l’alcool. Alors que c’est à cause de ça que Céline est morte. De cette beuverie solitaire, couronnant des semaines, des mois d’un dérapage à peine contrôlé.

vendredi 14 juin 2013

165-

Nous avons cheminé ainsi. Dans cette rue, puis dans une autre...Toujours plus éloignés d’un centre en alerte,  de ses habitudes renversées...Je revois encore le tee-shirt qu’avait enfilé Karl, en partant. Ces taches de camouflage ressemblent aux points noirs qui défilent en accéléré parfois, devant mes yeux. On s’est enfoncés littéralement dans le bas-ventre de la ville. Là, entre ses rives. Les plis cachés aux surfaces lisses, places, esplanades. Dont le miroitement, sous les réverbères, nous révulsait.

mercredi 12 juin 2013

164-

Quitter cette pièce, ce huis clos devenu dangereux. Taxi rose. Direction un hôtel qu’il connaît, Hugo Victor, une rue...Confuse dans sa pureté. Exploitée pour son cul. Entremêlée de plaques de rêves éveillés, de sa nudité...La nuit dégradante. Bordée par des sévices, un clocher, des sentiments inoculés. 
  
Dans tel bras, secours précis...On aurait préféré l'oubli à ce teint de victime...Plein d'effets captivants, auxquels on touche sans avoir l'air. C'est encore plus fort...Les douleurs à leur place, endormies. Comme si elles n'avaient jamais...Pas de meilleur moment que l'or du soir...Un truc massif, nocif pour ma vue...Bientôt plus triste...A des années ou des ordures...

L'autre considéré comme une gêne...Les filles et les types dans le même...A force, le physique si maltraité. Sa peine...

 

vendredi 7 juin 2013

163-

Il m’explique, grâce à ces mots jetés sur le papier, qu’il est sur le point d’être expulsé. Que dans sa rage, il a voulu tout expédier en quelques minutes. Expulsion – colère – foutu par la fenêtre. Il me dit qu’il finira sur le trottoir, expression si banale et terrible. Finirai sur le trottoir. Le temps utilisé indique qu’il en est certain. Ce futur qu’il arrache au silence. Grognements, puis mots...Qui disent l’inéluctable. Il n’est jamais revenu. Il vit toujours dans le sable, ou dans un campement, dans son désert mental. Les murs lui font mal, pourtant il voudrait rester. Mal – Etouffe – Mais – Froid. Il arrache des petits bouts de feuilles blanches qu’il me tend, fébrile, en colère. L’alcool change de nouveau les caractères. L’instant mauvais se précise.
 

mercredi 5 juin 2013

162-

Cet homme derrière sa fenêtre, dont la vie, comme viscères au dehors, était répandue sur un trottoir. Je lui demande enfin pourquoi...La raison de ce désordre, chaos extérieur. Alors que lui, Karl, semble si calme. La soûlerie peut aider dans ces cas-là. Elle peut faire d’une infirmité un impossible transitoire. Là, ce soir, en me remémorant ces instants, je l’entends, distinctement, me répondre d’une voix irréelle. Pourtant, bien sûr, il ne parlait pas. Mais les mots qu’il écrivait avaient la saveur d’un son. De sa voix d’avant j’imagine.  

jeudi 30 mai 2013

161-

Sur le fil du rasoir...En partage embrumé de nos souffrances....Il faut être atteint, il m’a fait voir ça de manière plus nette encore. Il faut être atteint, comme en proie à bien des sanctions volontaires...Oui...Il faut être à ce niveau...Tomber pour saisir de quoi il retourne...Tomber à l'ombre d'un immeuble, sous les plis d'une robe ou dans le viseur d'un revolver. Cet homme tenant si peu à l'existence. Cet homme errant immobile, derrière sa fenêtre. Si peu dans ce monde à l'abri, qui n’est plus qu’une artère principale que l'on incise. De tristesse sûrement. Face à cette loi tragique, c'est le survivre que l'on survole, et découvre trop vite...C’est le survivre qui s’impose comme la seule vérité.

mardi 28 mai 2013

160-

Ces mots déposés la nuit, dans le silence lézardé, ne font que courir après des ressentis. Les images assemblées, comme banales pièces d’un puzzle, ne reconstituent pas la présence de Céline...Par ajouts fragmentés, elle ne fait qu’apparaître dans un décor de plus en plus sombre. On a ça en horreur...De comprendre. Comme un péril qui veut ma peau...J’ai lu ça quelque part. La santé qui m’attire vers le fond, les crises, les regards gênés puis agressifs...Le meurtre, le meurtre...La guerre, la guerre...La guerre que je vois dans les yeux de Karl...Qui ne l’a jamais quitté. Le meurtre qu’il m’a aidé à concevoir...Ce morceau de papier que j’ai porté sur moi jusqu’à ce qu’il devienne poussière.

lundi 27 mai 2013

159-

Si présent qu'on veut l'oublier. Faire feu sur tout ça. Gratter jusqu'à l'os...Jusqu'au centre qui fout le camp...Fumier ! Pire qu'un mirage...Un ratage presque réussi. Comme ce travail forcé...Celui d'un garde du corps. Les mains prêtes à sortir...A faire feu sur la douleur. Effort citadin qui consiste à sauter dans la rame...Tout homme à terre, comme un mourant, devine ce qui l'attend, pris dans la foule. Sans remède et sans voix. D'un pas stoppé dans son élan...En plein cœur de la ville, limite sous terre.  
 
Tout homme dans cette merde n'a qu'une idée...Sans traitement, silence ravageur. Mais salutaire. Tête la première dans les heurts...Ils repoussent le prochain départ, pour un signe de croix révélé à lui-même. Dans cet excès moderne à réveiller les morts, à faire trembler l’impensable, avant même de l'avoir senti...Droit sur ta personne, ta gueule...Ton pauvre physique. Dans ce précipité d'argent, ciel menaçant sur des fenêtres immenses. Ca ne dure pas...

mercredi 22 mai 2013

158-

Karl me pardonnerait sûrement ce que je vais écrire à présent : j’ai cru qu’il était le tueur. J’ai cru, un instant, qu’il était l’incarnation de cette voix terrifiante, mais apaisante au fond. Parce qu’elle m’indiquait la sortie. La mienne. Comme une fuite.
 
Je me disais, tout au long de la journée, qu’une de ces secousses me briserait net...Haut-le-corps, sursaut, plongeon...Des efforts et l'affection passe inaperçue...Des efforts et l'ennemi ferme sa...C'est le but...C'était l'impression...Qu'enfin pour un temps autre chose occupe les retombées...Qu'enfin Je puisse river son clou à celle qui m'envahit...La peine comme un perpétuel découvert. Qu'elle rétrograde enfin...Ca va trop...Ca va trop loin...On dirait à toute biture, on dirait tombeau. 

Dans le rouge, dans un décor de ville...Lorsque le soleil sera couché...A cru et faillible. Dans une foule de visages, évitant les gouffres mécaniques...Tant d'aumônes, de machins à ensevelir, de nuques effleurées...Dans un délai par exemple en lambeaux.

lundi 20 mai 2013

157-

Ce n’était qu’un répit. Ce n’était que ça...Un simple instant. Nettoyé de ses poisons, de mes ambiances inéclairées...Ce que je désire le plus n’est déjà plus qu’un souvenir récent...En un mot parti de rien, pour aller nulle...Enfin peut-être vers ce lieu consacré à certaines heures hors limites...Des conditions délicates à poser sur du blanc...Celui des murs. De cette ébauche de pont. Bien plus qu'un épilogue...Une saleté de reddition.

mercredi 15 mai 2013

156-

Je ne désirais alors qu’une chose, dans cette pièce-refuge...Me désintégrer. Et la rejoindre. Rejoindre Céline. Fût-elle devenue fragrance. Suivre cette ombre croisée par hasard, et vaincre la peine. Mais c’est impossible...Se détruire toujours, puis renaître à nouveau...Au coeur de la ville blanche. La course lancinante après les lampes qui étouffent la trop lisse tempête. J’ai encore au creux de ma main les gouttes tombées de ton front. Ce front comme une vague ténébreuse qui m’a si souvent tenu la tête. A la lueur d’une flamme.  
 
Toi seule a le secret. Les sombres mots qui résistent aux vents à l’unisson, et attirent les rafales polyphoniques qui m’empoisonnent et me guérissent à tour de rôle...Le poison et l’antidote l’un après l’autre s’écoulent de ton front de lis. Pour m’épargner cet ordre idéal. Esclave de variations dérisoires, je m’enlise dans les méandres d’une fièvre urbaine. En implorant les Déesses mortelles. Celles qui méprisent les futurs apaisés et prônent la fureur et soulèvent la houle. La fougue et l’ivresse l’une après l’autre. Aux noirs frontons de la ville. Ta sueur a chevauché ma tempête intérieure...Tu crains mon vertige des profondeurs. Mes mains autour de ton cou, comme une corde coulissante, l’une après l’autre se jouent d’un fleuve rouge. De ce coeur sonore. Une danse vibrante, à mes tympans résonne, encore aujourd’hui. La sortie de l’amnésie. Oublier toujours. Puis se souvenir à nouveau.

lundi 13 mai 2013

155-

Ces phrases-là posées avant que le sommeil ne vienne finalement me cueillir, quand il faudrait que je me réveille. Et d’autres phrases encore, douloureuses, prononcées par le tueur, dont je me suis souvenu dans la journée. 

Que valent les mois métastases. Les semaines que rien ne soulève. Les jours élimés, les heures sans riffs. Les minutes qui s’étiolent dans la pénombre ? 

Le fléau comme une plaie, qui se fait linceul. Un suaire terreux...Je suis l’oraison, le tueur de liesse. Celui qui met fin aux litiges. Etouffant les prophéties...Ces chevaux réfractaires, qui renvoient l’éclat des ambulances. 

Je suis le sniper aveugle, qui tire sans discernement sur la clameur. Des tirs ajustés, en dépit de ma nuit noir de jais. Je suis la boue que vous retirez de vos propres mains des eaux grises...Ce limon pollué qui s’étale sur vos existences. 

Des vies sédiments qui s’envasent, explorant les fonds, les égouts, le dessous des ponts.  Creusant des tunnels des galeries. J’observe les hommes recouverts, les travailleurs dans la fange. Et les dépôts dangereux...Un glaive kaolin fragile comme l’air. 

Je suis leur guide leur conscience. Une prière dans la terre. Une oraison sous les ponts. Un cantique à l’argile...Que valent des piliers creux, les treillis de verre qu’un rien disloque, les constructions de cristal sur des tombeaux, la disgrâce qui s’effondre dans le fleuve ?

Entraînant mon esprit avec lui, dans sa course morbide. Me laissant sur le flanc, animal épuisé. Rincé par la solitude, sûr pourtant qu’elle était lumière.
 
 

vendredi 10 mai 2013

154-

Cette mère dont Céline parlait à peine. Elle en effleurait juste l’existence, un souvenir puis un autre. La mort irréelle, comme une période brunante, cruellement ironique, qu’elle déroulait comme un fil. De sa naissance jusqu’au jardin maudit. J’entends les rires, et des larmes. La mort du père, si jeune. Miroir terni de l’enfance. J’entends à nouveau ta voix, Céline, les déchirements que tu me confiais. J’ose dire que tu m’offrais. Des brèches que l’on tentait de réparer grâce aux œuvres d’art, à nos marches. A nos séances d’observation mutuelle...Comme pour traquer chez l’autre la blessure. Atténuer la douleur. A partir de l’absence construire quelque chose... 
 
 
Ce qui part existe enfin…Témoin d’un meurtre, d’un fait défrayant la…Et couvrant de son silence la ville motorisée…Des mutilations inutiles. Ce qui part nous éclaire enfin…Sur l’adresse en partage. Le rival de toujours assoiffé…De comptoirs et d’instants indiscernables…De sous-verres…Un pour chaque déni…Un pour chaque mensonge. Ce refus de voir m’emmerde. Et me pousse à - tu dis tous les abus…Je pense au plus dur…Tu remets l’indifférence sur la table…Je pense impossible. Et regarde vers les grues au  loin - construisant…Un jour tu verras le résultat…Alors que…Ce qui part nous prend de court - comme à la gorge - toute parole superflue.

vendredi 3 mai 2013

153-

J’ai déjà ressenti un tel soulagement dans la journée. Parmi les mien. Des ombres aujourd’hui. Présences étrangères, que je ne reconnaîtrais même plus. Des associés, un parent...Les parents de Céline, sa mère que j’ai fini par rencontrer. A qui j’ai fini par dire « votre fille est morte ». Votre fille est morte. Comme un flic, exactement comme l’aurait fait Darc. Comme il l’a d’ailleurs peut-être fait. Le visage de cette femme, qui tombe entre ses mains. Il m’avait semblé qu’elle le rattrapait, littéralement. Qu’il serait tombé sans le secours de ses mains. De ce geste désespéré, si proche au fond de sa fille. De sa création anéantie.

mardi 30 avril 2013

152-




















Je l’ai gardé sur moi aussi longtemps que j’ai pu. Comme un fil d’Ariane, contre ma promesse...Elle mourut sur le bord, là où elle fut laissée. Et dépossédée de son humanité,  rendue à sa condition infâme. L’odeur imprégnant le papier...Le récit écrit que m’en fait alors Karl, distancié, presque clinique, alors qu’au dehors le noir profond semble agonir, l’effet du rayonnement lunaire sur la ville, que les objets dans la pièce me sont soudain si familiers, l’effet de l’alcool et d’autres choses encore, ce récit me soulage d’abord...Terriblement.

jeudi 25 avril 2013

151-

Je regrette les instants mourants que nous avons partagés. Cette nuit, comme suspendue, les cent mètres de cette rue, les maigres indices d’une survie échangée...La sienne contre la mienne. Sa voix contre mes yeux...Tous les corps transpercés contre un seul, celui de Céline. Il me fait comprendre qu’il en a entendu parler...De ce massacre. Qu’une rumeur court dans le quartier. Comme quoi le visage de la victime aurait disparu. Il m’a écrit tout cela, très vite, une écriture fine et précise. Pas du tout affectée par l’alcool. Ou blessée par les impacts de la guerre. J’ai conservé ce papier, les phrases déposées dessus comme des éclats de voix.

jeudi 18 avril 2013

150-

Je lui explique comme je peux que ce parfum est si proche de celui de Céline...Qu’elle vient de mourir, pas très loin d’ici. Que son agresseur est dans ma tête depuis le matin, qu’il me parle...Que j’ai un appartement luxueux, une voiture garée...Que je n’ai plus la force de reprendre cette vie-là. Cette vie qui m’était déjà insupportable, qui l’est devenue encore davantage...Je lui parle de mes yeux, de mon cabinet...Je lui parle de ma vie, qui n’est plus. D’une autre qui ne ressemble à rien de ce que je croyais connaître. Pas même au noir vers lequel je fonce comme un astre froid. Que cette solitude n’est pas nouvelle, non...Qu’elle vient seulement de prendre une dimension inconnue. Phénoménale, indescriptible. 
 
Pendant tout ce temps, il a souri. Pas d’un sourire ironique ou ennuyé. Non, rien de tout ça. Un sourire de miséricorde. Droit venu des profondeurs de ce monde, de son monde à lui. Je le revois si nettement, ce soir, assis dans mon lit. Le sourire miséricordieux qu’il m’a offert pour réponse...Bienvenue me dit-il, de son regard sacré. Dans mon pays déchiqueté, de montagnes explosées, d’impasses meurtrières et de tombes improvisées.

mercredi 17 avril 2013

149-

Il ne vivait pas dans le même espace-temps que le mien... J’ai à peine foulé sa routine, à peine troublé son lent suicide. Alors qu’il était à sa fenêtre, comme presque tous les soirs probablement, à tromper la solitude. A trouver dans cette rue toute droite une raison de ne pas en finir au plus vite. Que voyait-il au juste ? Dans ce calme sidéral, parfois rompu par une automobile, une moto, des cris d’ivrognes, jeunes ou vieux...Dans ce noir à peine réchauffé par des lampadaires défectueux. Plus tard, j’ai compris. J’ai compris que c’était précisément ce calme douloureux qu’il contemplait. Lui qui venait d’un monde où le bruit n’est que morts et blessés, suspicion, paniques et tirs tendus. Moi aussi je revenais de ce monde, mais je venais seulement de le découvrir. De l’effleurer. Ce pied posé de l’autre côté.