Il ne vivait pas dans le même espace-temps que le
mien... J’ai à peine foulé sa routine, à peine troublé son lent suicide. Alors
qu’il était à sa fenêtre, comme presque tous les soirs probablement, à tromper
la solitude. A trouver dans cette rue toute droite une raison de ne pas en
finir au plus vite. Que voyait-il au juste ? Dans ce calme sidéral,
parfois rompu par une automobile, une moto, des cris d’ivrognes, jeunes ou
vieux...Dans ce noir à peine réchauffé par des lampadaires défectueux. Plus
tard, j’ai compris. J’ai compris que c’était précisément ce calme douloureux qu’il
contemplait. Lui qui venait d’un monde où le bruit n’est que morts et blessés,
suspicion, paniques et tirs tendus. Moi aussi je revenais de ce monde, mais je
venais seulement de le découvrir. De l’effleurer. Ce pied posé de l’autre côté.