mardi 16 avril 2013

148-

Est-il seulement au courant qu’une jeune femme a été découverte, morte, à quelques blocs de chez lui ? Qu’elle a été victime d’un baptême sanglant...D’une autre guerre. Qu’elle est aussi réduite au silence.
 
De la poche arrière de son pantalon, il tire un paquet de cigarettes. Puis il revient s’asseoir, résigné à ne rien pouvoir dire aisément. Le simple fait de boire et fumer, même en compagnie d’un inconnu, semble à présent le satisfaire. Je l’accompagne d’abord sur ce chemin muet. Et m’aventure à lui demander quel est son parfum...La question paraît tellement incongrue, ou frivole...Elle ne l’était pas pour moi, et pour cause... 
 
Elle ne l’est pas non plus pour lui. Il se lève, titube, se rétablit comme il peut. Ouvre une porte, tout près de la cuisine, et sans rentrer à l’intérieur de la minuscule salle de bains, attrape un flacon, sur une étagère au-dessus du lavabo. Il me le donne...Il n’a pas d’étiquette, juste un magnifique cristal, à peine biseauté. Je l’ouvre...M’effondre en larmes. De la manière la plus indécente qui soit. Sans retenue. Tellement d’efforts depuis le matin, tant d’assauts répétés...D’abord Karl n’a pas réagi. Il me regarde...Comme si le spectacle de ces larmes lui était familier. Au point de ne pas réagir. Je sais bien maintenant pourquoi...Mon drame n’était pour lui qu’une péripétie de plus. Une horreur de plus.