mardi 3 juillet 2012

98-

Dans la pénurie de cette chambre, je revois les veines ombragées, les refuges transitoires. Bien vite conquis par le meurtrier. Son corps sans visage.

Je revois celui de Céline. Rehaussé d’un discret maquillage. Les lèvres brillantes, le cou parfumé. Puis cet orifice dégradant à l’odeur d’éther.

Mon état de santé se dégradait bien avant ce choc suprême. Mes patients en savaient quelque chose, eux que je triais et rangeais en fonction de leur chance de survie. Mon attitude dépendait de ce classement. Ma compétence aussi. Un édifice s’écroulait. Le Docteur Cabon s’est longtemps vautré dans la complaisance d’un statut social acquis de haute lutte. Un bon soldat, adaptant les diktats aux corps, aux états d’âme de ses patients. De leurs blessures, de mes réflexions usantes, de mes colères muettes. Tout cela a éclaté.

Plus de Docteur Cabon. Plus de Francis, le compagnon de Céline. Plus aucune protection.

Aucune zone de repli. Je suis nu. Et dévoré par une ombre. Avec la peur incessante, le vice des incurables.