mardi 6 mars 2012

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L’homme qui la suivait est ici. Avide de sexe et de chair. Son appétit dévore les trottoirs et les faibles lumières. Je l’entends et je le sens...Pour le faire taire je dois interrompre mon récit. Au risque de retrouver mes sangles. Cet homme qui laisse derrière lui des vies broyées, offertes aux chiens errants et aux mouches, vit dans mon cerveau. Quelque part dans un hémisphère. Il a obtenu cette situation privilégiée en violant ma femme...

Céline arrive place Duquesne...Elle la traverse sans doute un peu ivre.

Quelques semaines après le drame, une bonne partie des arbres qui étaient plantés dans le jardin central, délimitant des aires de jeu et des espaces de repos face à l’école du quartier, furent abattus. Il s’agissait d’éliminer les vieilles essences malades. Afin de les remplacer au printemps par des arbres jeunes en bonne santé. Un travail prévu de longue date par les services municipaux. Pourtant l’abattage provoqua un véritable scandale. Un second traumatisme qui renforça la malédiction du lieu. Tout y dépérit. Les jeunes femmes comme les arbres.

Alors que Céline s’apprête à quitter la place pour s’engager dans la rue Malbert, un homme l’interpelle et lui demande une cigarette. Céline a forcément refusé. Elle ne fumait plus. Elle a continué son chemin. Quelques pas. D’un restaurant chinois jusqu’à la boutique d’un encadreur. Elle devait tenir son sac Gucci plus nerveusement. Des pas plus vifs. De la sueur humidifie son corsage bleu.

Le type respire très bas, bien qu’en lui brûle un désir bestial. Les yeux rivés sur cette femme à présent effrayée. Ses talons résonnent dans la rue alors que les chaussures de l’agresseur sont silencieuses. Elles caressent le trottoir pour l’amadouer. Des silences comme les prémices de la mort à venir.