mardi 10 janvier 2012

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A cet instant Xavier se retourne. Il empoigne gentiment Lucie. Il lui dit quelque chose à l’oreille...J’imagine que cela me concerne. Enfin ils rentrent chez eux. Nous continuons tout droit. La phase aiguë de ma crise est bien passée. Mais je ne suis pas à l’aise. Il est trop tôt pour que je ressente de la honte. Trop tôt pour que Céline m’interroge...Alors que je la tiens par la taille. La chaleur de son corps, sous le manteau en laine, me réconforte un peu. Nous nous taisons. La voiture est garée assez loin. Je n’ai pas envie de conduire. Je lui fais part de mon souhait de rentrer à pied.

Une pluie fine et froide nous recouvre rapidement. Comme elle ensevelit la rue Victor Hugo. En quelques minutes les immeubles sont détrempés. La route est recouverte d’un tapis soyeux. Je demande à Céline, tandis que nous passons sous un panneau d’affichage électronique qui émet un bruit lancinant, si elle ne regrette pas de ne pas être rentrée en voiture. “Non”, répond-t-elle. Elle ajoute qu’elle ira la prendre demain matin de bonne heure.

Au-dessus de la bruine, une lune pleine mais floue nous éclaire malgré l’épaisseur de l’humidité. Nous marchons sur un large trottoir au revêtement rutilant et glissant, bordé de hauts réverbères. Chaque lampadaire est couronné d’un halo de lumière laiteuse. Des cercles vaporeux diffusent une clarté tantôt lugubre tantôt sublime. Une luminosité incertaine qui joue avec les rêves. Les peurs et les angoisses.

A un rond-point, nous tournons sur notre droite et empruntons une rue beaucoup plus étroite que la rue Victor Hugo. La lune est à présent cernée d’un blanc très pâle au milieu de son auréole. Elle finit par faire basculer l’ambiance dans le macabre. Trop blanche, trop floue, dans une nuit silencieuse en pleurs. De sobres sanglots qui nous guident et nous rapprochent et qui font résonner les rues comme des instruments à cordes. Il en sort une belle et sinistre musique. La ville est tour à tour frottée, pincée, frappée par les éléments.