vendredi 20 janvier 2012

43-


L’infirmier de nuit ne m’a pas demandé ce que j’écrivais. S’il l’avait fait, je n’aurais pas su quoi lui répondre. Ca me dépasse ce flux ordonné. Cette volonté de revivre ces jours et des années. Non que je ne sache pas ce que je fais. Ni pourquoi je l’ai entrepris. Ce qui m’étonne, en revanche, c’est la précision, l’incroyable régularité avec laquelle, à présent, les souvenirs se succèdent. Je pensais me battre avec les événements et les dates. Au lieu de ça, je ne suis qu’un spectateur. Je regarde ma main courir sur le papier. Elle me guide. Elle range toute seule cette vie qui m’a échappé.

Nous sommes dans notre appartement. Nous n’avions pas fermé les volets en partant. Le salon me donne ainsi l’impression d’être étrangement abandonné. Plus que ça : il m’est inconnu. Les meubles sont recouverts d’une poussière nocturne qui se déplace avec le défilement des nuages. La lune est face à l’immeuble, au-dessus de la mer. Pas d’étoiles. Juste un disque blême, et cette couleur de métal qui se fond dans le ciel indistinct. Céline a tout de suite retiré son manteau trempé. Elle a allumé la lumière dans le couloir, qui s’étire sur tout l’appartement. Elle a pris un porte-manteau dans le placard de l’entrée et pendu son vêtement dans la salle de bains. Puis elle m’a rejoint dans le salon.