- “Allons dans mon bureau...”.
Le policier au comptoir relève la tête. Je saisis dans son regard un mélange de curiosité et de froideur professionnelle. Une
agitation brouillonne me détourne de lui. Des bruits de chaises qui grincent sur
le sol. Des portes d’armoires métalliques refermées sans ménagement. Des paroles morcelées.
Le bâtiment semble vivant. Une espèce de monstre
qui me dévore. On me cache quelque chose, maladroitement. On essaie de me
ménager. Ou alors on m’ignore...Des signes contradictoires qui me font perdre
patience. Avant de parvenir au bureau du lieutenant, je m’arrête sous une
fenêtre. Elle déverse une lumière blanche très vive.
- “Vous allez me dire ce qui se passe, à la fin
?”
Darc garde son calme. Il tient fermement la rampe
de l’escalier. La lumière illumine ses yeux marron. La monture argent de ses
lunettes m’aveugle, je recule de quelques marches.
- “Dans mon bureau, s’il vous plaît, c’est
mieux pour tout le monde”.
Non ! J’insiste, il n’est plus question
d’attendre. A cet instant, une jeune femme rousse dévale l’escalier en sens inverse. Elle s’approche de Darc et lui glisse à l’oreille une ou deux phrases.
Le lieutenant la repousse, après lui avoir fait comprendre du regard qui j’étais. Elle s’éloigne aussitôt, l’air gêné. L’incident apaise ma colère...Nous
arrivons en silence au deuxième étage.
Nous traversons un couloir étroit, de plus en plus
sombre au fur et à mesure que l’on s’y enfonce. Les locaux à ce niveau sont
vétustes et exigus. C’est une vraie ruche. Une succession de portes ouvertes sur
des bureaux en désordre, de portes fermées derrière lesquelles on devine une
intense activité. Des intitulés, des abréviations et des noms un peu partout.
Les murs sont couverts d’affiches et de documents racornis.