- “Qu’est-ce
qu’on a fait exactement à ma femme?”
Darc me pousse en avant depuis que nous avons
quitté son affreux bureau. Il continue dans l’escalier. Un réflexe de flic sans
doute. Il s’arrête entre deux marches.
- “Dans la voiture...Nous en parlerons dans la
voiture...”
Son visage est défiguré par une étrange grimace. Cet
homme, sûrement habitué à toutes sortes de violences, semble touché par le sort
de Céline.
Et moi, je commence à ressentir la création d’interstices dans ma raison. Ces
petits espaces entre les éléments d’un tout, selon la définition du
dictionnaire que l’infirmier, qui m’appelle l’écrivain, m’a fourni. Des espaces entre les éléments du réel...Au
rez-de-chaussée du commissariat, je suis persuadé qu’un liquide acide a rongé
mes nerfs optiques. Comme si les années me séparant de la cécité venaient de se
dissoudre sous l’effet de la haine...
Derrière nous, l’agitation du commissariat. Où,
maintenant, tout le monde paraît travailler sur mon affaire. Le lieutenant se
dirige vers le parking commun. Nous sommes sortis par une porte dérobée. Des
véhicules de police sur le départ encombrent la rue, tandis que sur les trottoirs
des hommes en uniforme discutent avec des gradés en civil. Un type s’approche
du lieutenant, et comme tout à l’heure, Darc l’éloigne d’un geste.