Les nuits passent et s’épuisent. Grâce à ces notes
je restructure mon existence. Le temps signifie à nouveau quelque chose. C’est
une routine difficile, qui croise un cortège d’angoisses...Les soins, les
activités, les consultations ne sont que des prothèses de mauvaise qualité. Elles
me permettent, malgré tout, de tenir bon, de poursuivre le récit...
Nous sommes à présent debout dans cette pièce. Elle
m’est devenue soudain insupportable. Je deviens agressif. Alors que les
circonstances auraient, peut-être, dû me tétaniser. Ce n’est pas ce qui s’est
produit...
Voilà pourquoi je crains “l’épisode” de l’Institut
médico-légal. J’ai peur de briser les pauvres liens que j’ai retissés avec la
réalité. Le peu de force que j’ai reconquis.
- “Vous allez me demander ce que j’ai fait la
nuit dernière, n’est-ce-pas ?”...
Le lieutenant Darc me regarde, éberlué.
- “Votre question m’étonne Monsieur Cabon...Je
ne crois pas avoir été ambigu avec vous...Maintenant, si vous y tenez...Où étiez-vous cette nuit, alors que votre femme était seule dans la rue ?”
Il saisit un dossier, qu’il manipule méchamment.
- “J’ai bu toute la nuit, en ville, et je me
suis endormi dans ma voiture”.
Darc note ma déclaration sur un carnet Rhodia.
- “Bien...Il faudra nous fournir des lieux, des
adresses précises pour les vérifications...Allons-y maintenant...”.
Dans le couloir, des sonneries de téléphone, les voix qui s’élèvent. Tout ça accentue une
affreuse migraine.