vendredi 8 juin 2012

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Mine de rien, sur le chemin du retour, il reconstitue nos itinéraires. Il fait semblant d’avaler mes propos. Ou il me croit sur parole. Comment savoir ? Peut-être a-t-il déjà des informations. La route est neuve sur ce tronçon. L’axe Nord-Sud, un ruban de goudron, large et très noir. La ville devient une métropole dévoreuse. Elle s’étend, bouffe les petites villes alentours, et finit par se répandre dans tous les sens. De la mer qu’elle surplombe jusqu’aux terres intérieures.

- “Pourquoi vous empruntez cette route ? Nous ne rentrons pas au commissariat ?

Nous passons devant une série d’immeubles de bureaux. Une usine blanche high-tech qui s’étale sur des centaines de mètres. Darc ne me répond pas. Il tient son volant d’une seule main, l’autre est posée sur sa cuisse. Il se mord la lèvre inférieure puis passe et repasse sa langue au coin de sa bouche.

- “Non”.

Je m’étonne. Puis je m’enfonce dans le siège, préférant me réfugier auprès de Céline. Le lieutenant reprend le volant à deux mains, plisse les yeux. Le soleil vient de frapper le pare-brise. Il hésite, il hésite très longtemps. Je suis entre un flic et un fantôme, une sorte d’apparition qui pour l’instant n’est pas effrayante, à peine dérangeante. Je la sens dans mon dos, c’est tout.

- “Monsieur Cabon, nous avons des choses à mettre au point tous les deux. Ce qui s’est produit est exceptionnel. J’ai besoin de m’assurer que vous tiendrez le coup. Je rallonge le trajet...Au bureau, il y a beaucoup trop d’agitation”.