jeudi 3 mai 2012

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Je m’oblige à structurer ces notes. Avec les mots, les traces que j’ai pu laisser dans la ville se désintègrent au profit de feuilles de papier. Comme si je voulais tout faire basculer dans la fiction. Pour survivre dans un monde désincarné. Après avoir vu l’être que j’aimais le plus - celui qu’en toute logique j’ai fait le plus souffrir, celui que j’ai abandonné - couché sur une table, sous un drap blanc. Quelques taches de sang au niveau de la tête. Une tête qui n’existe plus vraiment.

Le reste du corps ? Le travail d’un orfèvre, qui consomme sa vie et celle des autres avec fureur. Il vit encore, quelque part. Il respire alors que j’écris ces lignes.

Darc se tient à ma droite. La jeune femme qui nous a accompagnés jusqu’à la salle d’autopsie n’est pas restée avec nous plus d’une minute. Elle m’a de nouveau pris la main trop chaleureusement. En face de nous, sous une lumière très claire et violente, je vois un homme de petite taille mais corpulent. Il porte une blouse blanche, les bras nus. Il jette un œil au lieutenant, qui lui répond par un mouvement de menton. Le drap est soulevé puis déposé au niveau des épaules de Céline.