mardi 1 mai 2012

77-

Alors que nous pénétrons sur le parking de la Faculté où j’ai fait mes études, que nous empruntons la voie de gauche, celle qui mène à l’institut, la tristesse devient insupportable.

La voiture s’arrête pile en face de l’entrée de la morgue. Darc défait sa ceinture et me tape sur la cuisse. “Vous êtes prêt Monsieur Cabon ? L’enquête est prioritaire, mais ici nous pouvons prendre notre temps...” J’apprécie l’intention, même si je la rejette. Pourquoi attendre ? Je connais déjà ces lieux. Ils exhalent le malheur et la perte. Lorsque nous descendons de la voiture, je crains de ne pas avoir assez de force dans les jambes pour marcher. Je les sens me trahir, comme d’ailleurs à peu près tout ce qui m’entoure. Mon organisme, cette ville me font souffrir.

Nous passons sous un portique qui ne sonne pas, et entrons dans un hall impersonnel et silencieux. J’ai l’impression de rentrer dans une église. Au lieu de sentir l’encens, elle empeste le formol et l’eau de javel. L’autel a la froideur de l’aluminium. Une table destinée aux sacrifices.

Une jeune femme vient à notre rencontre. Elle nous serre la main avec un empressement qui me terrifie. Un ascenseur et le sous-sol. La jeune femme, à peine plus âgée que Céline sans doute, m’appelle “Docteur Cabon”. Je suis tellement affaibli que cela me fait peur. Mes diplômes, ce titre, la compétence que l’on me prête...Tout ça se réduit en miettes. C’est l’homme que j’étais qui est en train de disparaître.