mardi 29 novembre 2011

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J’ai le sentiment que les mots m’encerclent. Qu’ils m’isolent. Xavier tente bien de me ramener à l’objet de ce repas...Il multiplie les tentatives. Elles tombent dans mon verre de vin comme des mouches mortes. J’entends : “T’es malade Francis ?”.

Le Docteur Francis Cabon est malade, en effet. Il n’y a pas d’urgence. Pour le moment, j’apprends à regarder selon des angles multiples. Non, vraiment, pas de quoi s’affoler dans l’immédiat. Le noir s’abattra très lentement. Une longue marche...Nous avons tout notre temps.

Céline mange avec une finesse remarquable. Moi, je mange à peine. La douleur engendrée...J’ai des souvenirs de la Bible.

Enfant, j’ai fréquenté un collège catholique. J’y ai, fatalement, appris que la souffrance est un chemin d’accès privilégié à Dieu.

Mais, en dehors de cet apprentissage chrétien, j’ai aussi appris que la souffrance n’est pas l’antichambre de la Lumière. C’est une théorie qui n’est pas celle des catholiques, elle est hébraïque.

Elle me plaît pourtant. Je lui trouve une espèce de logique infernale. Dans mon métier, elle m’a beaucoup aidé...Je n’accepte pas la douleur. Elle ne peut pas être le produit d’une vérité supérieure. La manifestation d’une présence divine...Connerie. Si on valide cette thèse, on ne soigne plus. On soulage à peine. On laisse le mal progresser. Se diffuser, comme le porteur d’un message de délivrance.